Assemblées générales 2024 : toutes les nouveautés pour leur préparation
Ce dossier pratique présente les principales nouveautés pour la préparation des assemblées générales de 2024 des sociétés cotées et non cotées.
1 – Quelles nouveautés pour les rapports à présenter à l’assemblée générale ordinaire annuelle ?
La DPEF incluse dans le rapport de gestion 2024 (au titre de l’exercice 2023)
Sociétés cotées sur un marché réglementé et réglementation Taxonomie : les dernières évolutions
1. Les sociétés non financières (sociétés industrielles et commerciales), soumises à l’obligation de fournir dans leur rapport de gestion une déclaration non financière en application de la directive NFRD (« Non Financial Reporting Directive »), devront en 2024 (sur l’exercice 2023) présenter dans leur déclaration de performance extra-financière (DPEF) davantage d’informations au titre de la réglementation Taxonomie, à savoir :
- leurs indicateurs d’éligibilité et d’alignement à la réglementation Taxonomie (chiffre d’affaires, CapEx c’est-à-dire les dépenses d’investissement, et OpEx c’est-à-dire les dépenses d’exploitation) sur les deux objectifs climatiques : adaptation au changement climatique et atténuation du changement climatique. Des données comparatives devront être fournies sauf pour les nouvelles activités ajoutées par l’amendement de juin 2023 de l’acte délégué « Climat » ;
- ainsi que leurs indicateurs d’éligibilité (CA, CapEx, OpEx) sur les quatre autres objectifs environnementaux :
- utilisation durable et protection des ressources aquatiques et marines,
- transition vers une économie circulaire,
- prévention et réduction de la pollution,
- protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes.
Pour rappel, le reporting taxonomie est d’application progressive :
- Pour la première année d’application en 2022 (sur l’exercice 2021), le reporting taxonomie était un reporting simplifié : seuls les indicateurs d’éligibilité sur les deux objectifs climatiques (CA, CapEx, OpEx) étaient à fournir ;
- Pour sa deuxième année d’application en 2023 (sur l’exercice 2022), les sociétés concernées devaient fournir les indicateurs d’éligibilité et d’alignement uniquement sur les deux objectifs climatiques (CA, CapEx, OpEx).
- Pour la mise en œuvre de ce reporting, les entreprises pourront utilement se référer aux bonnes pratiques identifiées par l’AMF dans son second rapport sur le reporting taxonomie (novembre 2023).
A noter : À compter du 1er janvier 2025, les informations relatives à la réglementation Taxonomie seront à insérer dans la section Environnement du rapport de durabilité créé par la CSRD (« Corporate Sustainability Reporting Directive ») qui viendra remplacer la DPEF.
Notons que le périmètre des sociétés soumises à la réglementation Taxonomie est appelé à s’élargir pour s’appliquer progressivement aux nouvelles entités qui seront soumises à la CSRD.
Pour rappel sont soumises actuellement à la réglementation Taxonomie, les entités d’intérêt public (sociétés cotées sur un marché réglementé, établissements de crédit, entreprises d’assurance…) appartenant à la catégorie des grandes entreprises, c’est-à-dire dépassant les seuils suivants (Règl. Taxonomie 2020/852 et dir. 2013/34/UE art. 19 bis et art. 3) :
– bilan > 20 M€ ;
– ou chiffre d’affaires > 40 M€ ;
– et nombre de salariés > 500.
Sociétés cotées sur un marché réglementé : de nouvelles recommandations de l’ESMA sur le contenu de la DPEF
2. À l’instar des années précédentes, l’AMF encourage les sociétés dont les titres sont cotés sur un marché réglementé à appliquer les recommandations formulées par l’ESMA pour l’établissement de leur DPEF 2023 (Communiqués AMF du 8-11-2023 et ESMA du 25-10-2023 « Priorités européennes communes en matière d’application de la réglementation relative aux rapports financiers 2023 »). Ces recommandations s’articulent autour des trois principales priorités suivantes :
- informations à fournir en lien avec l’article 8 du règlement Taxonomie. L’ESMA rappelle notamment que les nouveaux modèles de tableaux de reporting doivent être utilisés de manière fidèle et que des informations contextuelles doivent accompagner les indicateurs ;
- transparence accrue dans la communication faite par les émetteurs, concernant les enjeux liés à la publication d’objectifs relatifs au climat : selon l’ESMA, il est important que les émetteurs communiquent des objectifs climatiques assortis d’échéances et qu’ils veillent au lien entre la stratégie globale de l’entreprise et les actions plus spécifiques mises en place pour atteindre notamment des objectifs de réduction des émissions des GES et leur financement ;
- émissions de gaz à effet de serre (GES) sur le scope 3 (chaîne de valeur). L’ESMA rappelle certains aspects importants en termes de transparence : appréciation du caractère complet du reporting des émissions de GES en cas d’absence du scope 3, périmètre et méthodologie de calcul des émissions de scope 3, présentation des données brutes d’émissions de GES séparément des émissions séquestrées ou compensées, le cas échéant.
Modification du contenu du plan de vigilance à fournir dans le rapport de gestion
3. Depuis le 1er janvier 2024, les sociétés soumises à l’obligation de publier dans leur rapport de gestion un plan de vigilance et qui produisent ou commercialisent des produits issus de l’exploitation agricole ou forestière devront indiquer dans leur plan les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir la déforestation associée à la production et au transport vers la France de biens et de services importés (C. com. art. L 225-102-4 modifié par loi 2021-1104 art. 273).
Pour rappel sont soumises à l’obligation d’établir un plan de vigilance, les SA et SCA employant, à la clôture de deux exercices consécutifs (C. com. art. L 225-102-4) :
- au moins 5 000 salariés en leur sein et dans leurs filiales françaises directes ou indirectes ;
- ou au moins 10 000 salariés en leur sein et dans leurs filiales françaises et étrangères directes ou indirectes.
2 – Quelles nouveautés pour la préparation des assemblées ?
Demandes d’inscription de points à l’ordre du jour d’une assemblée générale : les précisions apportées par l’Ansa
4. Pour rappel, un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital ont la faculté de requérir l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée de points ou de projets de résolution (C. com. art. L 225-105). La demande d’inscription d’un point à l’ordre du jour doit notamment être motivée, et le président du conseil d’administration ou le directoire doit en accuser réception (C. com. art. R 225-71).
Selon l’Association nationale des sociétés par actions (Ansa), les points ne peuvent en aucun cas donner lieu à un vote lorsqu’ils ne sont pas accompagnés d’un projet de résolution (Comité juridique n°11-012).
En outre, un point peut être inscrit à l’ordre du jour même s’il n’entre pas stricto sensu dans le champ de la compétence décisionnelle de l’assemblée convoquée (Comité juridique précité). En revanche, l’Ansa considère que le conseil d’administration doit écarter les demandes d’inscription à l’ordre du jour de points lorsqu’ils se rapportent notamment à des sujets fantaisistes ou étrangers à l’objet social ou encore présentant un caractère vexatoire ou diffamatoire (Comité juridique n°21-003). Pour l’AMF, il suffit que ce point puisse être rattaché à l’objet social ou au contenu des documents transmis à l’assemblée (Proposition n°1.4 B de la recommandation de l’AMF du 12-7-2012, DOC-2012-05).
L’Ansa a apporté des précisions sur la portée de l’article L 225-105 du Code de commerce et a répondu aux deux questions suivantes (Comité juridique n°23-024 du 3-5-2023) :
- une société peut-elle refuser l’inscription d’un projet de résolution à l’ordre du jour de l’assemblée (ou d’une assemblée future) alors qu’elle a accepté l’inscription d’un point à l’ordre du jour sur ce même sujet ?
- si un point a été inscrit à l’ordre du jour préalablement à l’AG (sans projet de résolution), pourrait-on admettre un projet de résolution déposé en séance au regard de ce point figurant à l’ordre du jour, et qui relèverait de la compétence de l’AG ?
À la première question, l’Ansa a répondu qu’une société pouvait refuser l’inscription d’un projet de résolution à l’ordre du jour alors même qu’elle a accepté l’inscription d’un point à l’ordre du jour sur le même sujet. En effet, selon l’Ansa :
- le conseil devrait inscrire à l’ordre du jour les « points », même ceux relevant de la gestion, s’ils ne sont pas accompagnés d’un projet de résolution décisionnaire. Il s’agit alors d’un débat sans vote ;
- en revanche, le conseil est fondé à rejeter un projet de résolution décisionnaire en matière de gestion ;
- le fait que l’ordre du jour comporte un point en dehors de la compétence de l’AG qui n’est pas assorti d’un projet de résolution est sans incidence sur le droit pour d’autres personnes de demander d’inscrire sur le même sujet un tel projet (à condition qu’il n’implique pas une décision relevant notamment de la gestion réservée au conseil d’administration).
À la seconde question, l’Ansa a répondu par la négative : il n’est pas possible d’admettre un projet de résolution déposé en séance au regard d’un point figurant à l’ordre du jour. En effet, l’Ansa rappelle que la loi impose un calendrier précis en matière de demande d’inscription des projets de résolutions par les actionnaires préalablement à l’AG. Dès lors, et sauf les cas limités de résolutions pouvant être votées directement en séance, il n’est pas possible en application des dispositions du Code de commerce fixant un délai préalable pour l’envoi des demandes de résolutions nouvelles, de présenter inopinément en séance de telles résolutions, même si l’ordre du jour contenait un « point » qui n’était pas complété d’un projet de résolution.
Pour rappel, les résolutions nouvelles pouvant être votées directement en séance relèvent uniquement des catégories suivantes (Comité juridique n°2946.6 et Vade-mecum à l’attention des membres du bureau des AG p. 9 et 10) :
- amendements à des projets de résolutions régulièrement inscrits ;
- révocations des administrateurs (et leur remplacement) ;
- décisions qui sont nécessaires à la réalisation des résolutions régulièrement adoptées et dont elles forment le complément indispensable.
3 – Quelles nouveautés pour les résolutions à prévoir en assemblée générale ?
Décisions à prendre en assemblée générale ordinaire
Nomination d’un CAC ou d’un OTI en charge de vérifier le rapport de durabilité dès 2024 pour les premières sociétés concernées
5. Pour rappel, les sociétés cotées sur un marché réglementé (ainsi que les établissements de crédit et les entreprises d’assurance) ayant un bilan supérieur à 25 M€ ou un chiffre d’affaires supérieur à 50 M€ et plus de 500 salariés (seuils à considérer au niveau consolidé, le cas échéant) devront publier leur premier rapport de durabilité en 2025 qui portera sur l’exercice 2024 (C. com. art. L 232-6-3 et L 233-28-4 ; Ord. 2023-1142 art. 33). Ce rapport devra faire l’objet d’une certification obligatoire qui pourra être réalisée (C. com. art. L 822-1 nouveau) :
- soit par le ou les CAC ;
- soit par un CAC ;
- ou soit par des auditeurs des informations de durabilité exerçant au sein d’organismes tiers indépendants (OTI), par exemple les avocats ou les experts-comptables, sous certaines conditions.
Les personnes et entités astreintes à publier des informations de durabilité consolidées en application de l’article L 233-28-4 du Code de commerce peuvent désigner (C. com. art. L 821-41 nouveau créé par ord. 2023-1142 du 6-12-2023) :
- plusieurs CAC ;
- ou un CAC et un OTI ;
- ou plusieurs OTI.
Les grandes entreprises cotées devront ainsi proposer la nomination d’un CAC ou d’un OTI à l’assemblée générale ordinaire des actionnaires qui se réunira en 2024.
Le comité d’audit (ou un comité spécialisé distinct) sera chargé d’émettre une recommandation sur le ou les commissaires aux comptes (ou organisme tiers indépendant) proposés à la désignation par l’assemblée générale.
A noter : L’absence de nomination d’un CAC ou d’un OTI chargé de la certification du rapport de durabilité est sanctionnée pénalement par une amende de 30 000 € et une peine d’emprisonnement de 2 ans à l’encontre du dirigeant (C. com. art. L 821-6 et L 822-40).
Le CAC, s’il est différent du CAC chargé de la certification des comptes, ou l’OTI, devra être convoqué à toute assemblée générale. Le non-respect de cette disposition est sanctionné des mêmes peines que celles indiquées pour l’absence de nomination d’un CAC ou d’un OTI pour la vérification des informations de durabilité (C. com. art. L 821-6 et L 822-40).
Par ailleurs, le fait pour le dirigeant d’une personne morale de faire obstacle aux vérifications du CAC ou de l’OTI est sanctionné d’une amende de 75 000 € et d’une peine d’emprisonnement de 5 ans (C. com. art. L 821-6 et L 822-40).
Vote ex ante des rémunérations des dirigeants : prise en compte des recommandations du Code Afep-Medef
6. Pour rappel, le Code Afep-Medef a été modifié en décembre 2022 pour intégrer à la rémunération des dirigeants mandataires sociaux plusieurs critères liés à la responsabilité sociale et environnementale, dont au moins un critère en lien avec les objectifs climatiques de l’entreprise. Ces critères, définis de manière précise, doivent refléter les enjeux sociaux et environnementaux les plus importants pour l’entreprise. Les critères quantifiables doivent être privilégiés.
La politique de rémunération modifiée pour prendre en compte ces nouvelles recommandations et présentée dans le rapport sur le gouvernement d’entreprise de la société cotée devra ainsi être soumise au vote de l’AGO (vote dit « ex ante » dans le cadre de la procédure de « Say on pay » applicable aux sociétés dont les actions sont cotées sur un marché réglementé ; C. com. art. L 22-10-34).
Le Haut Comité du gouvernement d’entreprise (HCGE) relève dans son rapport de novembre 2023 qu’à ce jour l’ensemble des sociétés du SBF 120 ont intégré un ou plusieurs critères RSE dans la rémunération variable annuelle de leurs dirigeants mandataires sociaux exécutifs (à l’exception d’une société qui a rejoint nouvellement l’indice). 87,3 % des sociétés du SBF 120 intègrent un critère climatique dans la rémunération de leurs dirigeants (annuelle ou à long terme). Ce chiffre s’élève à 98,14 % pour les sociétés du CAC 40.
Vote ex post des rémunérations des dirigeants : conséquences de la radiation de la cote
7. L’Ansa s’est récemment prononcée sur les conséquences sur le vote ex post de la radiation de la cote d’une société (CJ du 4-10-2023 n° 23-039).
En l’espèce, une société dont les actions étaient cotées sur un marché réglementé et qui clôturait son exercice au 31-12 a fait l’objet d’une radiation en février de l’année N. La question s’est posée de savoir si l’ordre du jour de la prochaine AGOA (assemblée générale ordinaire annuelle), qui se tiendra en juin N, devra comporter un vote dit « ex post » sur les rémunérations perçues par les dirigeants au cours de l’exercice clos N–1, la société ayant été cotée durant la totalité de cet exercice.
Pour rappel, les éléments fixes, variables et exceptionnels, composant la rémunération totale et les avantages de toute nature, versés ou attribués à chaque mandataire social au cours de l’exercice, font l’objet l’année suivante d’un vote individuel ex post dans les sociétés dont les actions sont cotées sur un marché réglementé. À défaut d’approbation lors de ce vote ex post, les éléments des rémunérations variables et exceptionnels ne peuvent pas être versés (C. com. art. L 22-10-34).
Dans sa réponse, l’Ansa a distingué deux cas et a considéré que lorsque la société a été radiée :
- avant la réunion du conseil fixant l’ordre du jour de la prochaine AGOA, il est acquis que cet ordre du jour n’a pas à comporter de mentions réservées obligatoirement aux seules sociétés dont les actions sont cotées sur un marché réglementé. Il s’agit en effet d’une législation d’exception ne s’appliquant qu’à une catégorie définie de sociétés. Celles qui sont sorties de ce champ d’application n’y sont plus soumises ;
- après cette réunion, mais avant l’AG, il est possible que cette assemblée en prenne acte et décide qu’il n’y a plus lieu de procéder au vote sur une telle résolution.
Présentation de la stratégie climatique à l’assemblée générale pour les sociétés cotées
8. Le Code Afep-Medef recommande que la stratégie climatique définie par le conseil d’administration ainsi que les principales actions engagées à cet effet soient présentées à l’AGO au moins tous les trois ans ou en cas de modification significative de la stratégie (Code précité art. 5.4 modifié en décembre 2022). Ces nouvelles recommandations sont applicables aux assemblées générales qui se tiennent en 2024 statuant sur les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2023 (les sociétés étaient toutefois invitées à les appliquer dès l’exercice 2022).
Selon le HCGE, à l’issue des assemblées générales 2023, 85 sociétés ont présenté leur stratégie climatique, soit 81,7 % des sociétés du SBF 120 (dont 34 sociétés du CAC 40). 9 sociétés indiquent prévoir une telle présentation lors de leur assemblée générale 2024 statuant sur l’exercice 2023 (Rapport du HCGE, novembre 2023).
Notons que le Code Afep-Medef ne prévoit qu’une présentation de la stratégie climatique et non pas un vote (« Say on climate ») par les actionnaires des actions engagées par la société.
Le HCGE précise que les sociétés sont libres d’inscrire un point (sans vote) à l’ordre du jour de l’assemblée générale sur leur stratégie climatique, voire de soumettre une résolution climatique au vote consultatif de leurs actionnaires (Rapport précité). Pour rappel, le groupe de travail créé au sein du Haut Comité juridique de la place financière de Paris (HCJP) a rendu son rapport le 15 décembre 2022, dans lequel il conclut que la possibilité pour les actionnaires de voter en AGO sur la stratégie climatique de la société au moyen d’un vote consultatif (« Say on climate ») ne heurte aucune règle juridique et en particulier pas le principe de hiérarchie des organes sociaux. L’AMF relève pour sa part qu’il n’existe aucun consensus s’agissant de l’opportunité du « Say on climate » : les émetteurs, comme les actionnaires et investisseurs, restent divisés sur l’utilité et le bien-fondé d’une telle pratique, au demeurant très minoritaire et disparate dans sa mise en œuvre opérationnelle, et parfois accusée de « greenwashing ». En 2023, 10 sociétés avaient inscrit des projets de résolutions climatiques à l’ordre du jour de leur assemblée (Rapport 2023 sur le gouvernement d’entreprise et la rémunération des dirigeants du 14-12-2023).
Dans un communiqué en date du 8 mars 2023 concernant le dialogue actionnarial sur les questions environnementales et climatiques, l’AMF invite les sociétés cotées sur un marché réglementé à renforcer davantage leur communication sur leur stratégie climatique et à la présenter à chaque assemblée générale sous la forme d’un point à l’ordre du jour avec débat. La stratégie devrait être assortie de cibles précises et devrait être présentée de manière argumentée et détaillée. Un suivi en AG dans les mêmes conditions devrait être mis en place à intervalles réguliers. Enfin, l’AMF considère qu’il sera opportun, le moment venu et dans des conditions à définir par voie législative, que ces informations soient soumises à l’approbation des actionnaires comme c’est le cas pour les comptes annuels.
Distribution de réserves : vers une remise en cause de leur libre distribution en dehors de l’assemblée générale annuelle d’approbation des comptes ?
9. Pour rappel, dans un jugement du 23 septembre 2022, le tribunal de commerce de Paris a considéré que la décision de distribuer des réserves ne pouvait être prise qu’au cours de l’assemblée générale d’approbation des comptes et qu’une telle distribution décidée dans une autre assemblée générale devait être qualifiée de « dividendes fictifs ».
Ce jugement a été frappé d’appel et dans l’attente de la position qui sera prise par la cour d’appel, nous réitérons notre recommandation de limiter les distributions de réserves, primes ou report à nouveau au cadre de l’assemblée générale d’approbation des comptes.
Si une telle décision devait être néanmoins prise pour des besoins opérationnels hors de l’assemblée générale annuelle d’approbation des comptes, nous recommandons de baser la décision sur un arrêté comptable intermédiaire certifié par le CAC (sur une base volontaire) démontrant les capacités distributives de la société.
Décisions à prendre en assemblée extraordinaire
Attribution gratuite d’actions (AGA) : relèvement des plafonds
10. Afin de favoriser l’actionnariat salarié, la loi 2023-1107 du 29 novembre 2023 sur le partage de la valeur a relevé les plafonds du nombre total d’actions pouvant être attribuées gratuitement par les sociétés par actions (C. com. art. L 225-197-1 modifié) :
- le plafond général global est porté à 15 % du capital social à la date de la décision d’attribution (contre 10 % antérieurement) ;
- pour les sociétés non cotées sur un marché réglementé et répondant à la définition des PME, le plafond des AGA profitant uniquement à certaines catégories de personnel est porté à 20 % du capital social (contre 15 % antérieurement) ;
Ces seuils de 15 % et 20 % sont portés :
- à 30 % du capital social lorsque l’AGA profite à des salariés représentant, d’une part, au moins 50 % de l’effectif salarié de la société et, d’autre part, au moins 25 % des salaires bruts tels qu’ils sont pris en compte pour l’assiette des cotisations de sécurité sociale et versés lors du dernier exercice social ;
- à 40 % du capital social lorsque les AGA bénéficient à l’ensemble des salariés de la société.
Ces nouveaux plafonds pourront donc être pris en compte par l’AGE de la société (ou la collectivité des associés pour les SAS) pour fixer le pourcentage maximal du capital qui pourra être gratuitement attribué.
La loi 2023-1107 du 29 novembre 2023 sur le partage de la valeur prévoit deux autres mesures permettant d’assouplir les conditions d’attribution gratuite d’actions :
- nouvelles règles du calcul du plafond individuel ;
- élargissement des possibilités d’attribution aux mandataires sociaux de sociétés appartenant à un groupe.
Les décisions collectives de SAS peuvent-elles être adoptées par une minorité, c’est-à-dire à seuil inférieur à celui de la majorité des voix ou des actions ?
11. C’est en ce sens que se prononce la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 4 avril 2023 (CA Paris 4-4-2023 n°2205320), estimant que dans les SAS les décisions peuvent être adoptées aux conditions prévues par les statuts et à un seuil inférieur à celui de la majorité des voix ou des actions. Cette solution se justifierait par le principe de liberté contractuelle ou statutaire qu’on trouve dans les SAS. En effet, dans les SAS, le principe de proportionnalité du droit de vote aux actions détenues ne s’applique pas, de sorte que l’on pourrait prévoir qu’une décision peut être adoptée par un associé ou une partie des associés représentant une fraction du capital social inférieure à la majorité simple. Rappelons que la Cour de cassation s’était prononcée en sens contraire dans un arrêt du 19 janvier 2022 (Cass. com. 19-1-2022 n°19-12.696). À la suite de la résistance de la cour d’appel de Paris, l’assemblée plénière de la Cour de cassation devra trancher.
4 – Quelles nouveautés pour la tenue des assemblées générales (ordinaires et extraordinaires) ?
Retrait en cours d’assemblée d’une résolution inscrite à l’ordre du jour : selon l’AMF, la régularité de ce retrait sans vote d’un « amendement de retrait » pose question
12. L’AMF s’est penchée dans son dernier rapport sur le gouvernement d’entreprise (Rapport 2023 du 14-12-2023) sur la pratique consistant pour un actionnaire à retirer, en début de séance, un projet de résolution de l’ordre du jour, constatant qu’un nombre trop important d’actionnaires étaient réticents à l’adoption de la résolution concernée.
L’AMF observe qu’une telle pratique porte atteinte :
- – au principe de fixité de l’ordre du jour ;
- – ainsi qu’à la bonne information des actionnaires, lesquels peuvent avoir pris en compte le contenu de l’ordre du jour dans leurs décisions d’investissement ou dans leurs intentions ou décisions de vote (éventuellement déjà exprimées, dans le cadre d’un vote à distance préalable à l’assemblée ou d’un vote par procuration) en se fondant sur l’économie générale des résolutions proposées.
L’AMF relève par ailleurs que :
- la doctrine considère généralement qu’un tel retrait est irrégulier, même si certains auteurs estiment toutefois qu’un retrait de résolution en séance est possible si les actionnaires adoptent un « amendement de retrait » ;
- des associations professionnelles ont indiqué qu’un tel retrait est possible dès lors que le conseil d’administration y est favorable (Vade-mecum Afep-Ansa à l’attention des membres du bureau des assemblées générales, mis à jour en novembre 2015 : Communication Ansa n°15-046 p. 17 s.).
A noter : L’Ansa a récemment confirmé cette position (Comité juridique n°24-001 du 10-1-2024). Elle considère que les résolutions inscrites à la demande d’un ou plusieurs actionnaires peuvent être retirées par ces derniers à tout moment avant le vote. Elle précise toutefois que, bien qu’il n’y ait pas d’obligation formelle, toute décision de retrait devrait être motivée. Le président de l’assemblée informera l’assemblée de la décision de retrait et de ses motifs. Pour les sociétés cotées, la question se posera au cas par cas de savoir si la décision de retrait (qu’elle ait lieu avant ou pendant l’AG) doit être rendue publique par l’émetteur dès qu’il en a connaissance.
Eu égard aux éléments ci-avant mentionnés, l’AMF considère que la régularité du retrait en séance d’un projet de résolution sans vote d’un « amendement de retrait » pose question et qu’une clarification, le cas échéant par voie législative, mériterait d’être apportée pour plus de sécurité juridique.
Les statuts de SAS ne peuvent pas écarter un associé du vote sur une convention réglementée
13. Selon l’Ansa, les statuts d’une SAS ne peuvent pas écarter un associé du vote sur une convention réglementée à laquelle il est intéressé (Comité juridique n°23-022 du 5-4-2023). En effet, l’Ansa rappelle que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives (C. civ. art. 1844) et considère que les statuts ne peuvent pas priver un associé de son droit de vote en dehors des cas prévus par la loi.
L’Ansa précise néanmoins que rien n’interdit de prévoir dans les statuts des mécanismes permettant de moduler les droits de vote lors de cette décision, par exemple en accordant un droit de vote plural aux associés non concernés par la convention ou, au contraire, une réduction des voix de l’intéressé. En effet, les statuts de SAS peuvent prévoir les conditions dans lesquelles les décisions collectives des associés sont adoptées.
Les statuts pourront également instituer un organe chargé d’approuver les conventions avant leur conclusion, en écartant la personne intéressée de la décision. Seules seront alors soumises au vote des associés les conventions préalablement approuvées par cet organe.
Les décisions collectives de SAS prises en violation des statuts peuvent être annulées
14. Dans un arrêt du 15 mars 2023, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence en considérant désormais que l’article L 227-9, al. 4 du Code de commerce permet à tout intéressé de demander l’annulation des décisions d’une SAS prises en violation des clauses statutaires qui définissent un domaine de compétence des associés complémentaire à celui fixé par la loi et les modalités particulières d’adoption des décisions collectives concernées. La Cour de cassation précise que la décision de la SAS pourra être annulée uniquement si la violation est de nature à influer sur le résultat de la consultation.
A noter : Cette nouvelle position de la Cour de cassation n’aboutit pas à sanctionner par la nullité toute décision de SAS prise en violation des statuts. Sont concernées par la nullité :
- Celles qui ne respectent pas la compétence réservée par les statuts à la collectivité des associés (en application de C. com. art. L 227-9, al. 1) ;
- Ainsi que les décisions collectives prises par les associés sans respecter les formes et conditions de leur adoption que les statuts ont déterminées (consultation écrite, réunion d’une assemblée physique, participation par visioconférence, vote à distance, règles de quorum et de majorité, formalités de convocation, etc.).
La participation d’un non-associé aux décisions collectives d’une SARL constitue une cause de nullité des assemblées
15. Dans un arrêt du 11 octobre 2023, la Cour de cassation a jugé que la participation d’un non-associé aux décisions collectives d’une SARL constitue une cause de nullité des assemblées au cours desquelles ces décisions ont été prises dès lors que l’irrégularité est de nature à influer sur le résultat du processus de décision.
5 – Quelles nouveautés post-assemblées ?
Nullité des délibérations pour défaut de nomination d’un CAC : les précisions apportées par la Cour de cassation
16. Dans un arrêt en date du 21 juin 2023, la Cour de cassation a apporté deux précisions importantes concernant les conséquences du défaut de désignation d’un CAC sur la validité des délibérations de l’AGO :
Pour rappel, l’article L 820-3-1 du Code de commerce (devenu l’article L 821-5 avec ord. 2023-1142 du 6-12-2023) dispose que les délibérations de l’AGO des sociétés prises à défaut de désignation régulière d’un CAC sont nulles.
- la nullité des délibérations de l’AGO en cas de défaut de désignation régulière d’un CAC ne peut jouer qu’en l’absence de désignation d’un CAC titulaire. Elle ne joue donc pas en l’absence de désignation ou de désignation irrégulière du CAC suppléant ;
- la nullité s’applique à toutes les délibérations des AGO et pas uniquement à celles pour lesquelles l’intervention d’un CAC est imposée par la loi.
A noter : Ces précisions apportées par la Cour de cassation valent pour toutes les formes de sociétés commerciales tenues de désigner un CAC, que ce soit en vertu de la loi ou par décision des associés.
6 – Perspectives 2024-2025
Davantage de petites entreprises pourront être exemptées de rapport de gestion
17. À la suite du relèvement des seuils européens définissant les différentes catégories d’entreprises pour prendre en compte les effets de l’inflation (Dir. 2013/34/UE art. 3 modifiée par directive déléguée 2023/2775 du 17-10-2023), le décret 2024-152 du 28 février 2024 a rehaussé en droit français les seuils définissant les petites entreprises. Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024, les petites entreprises en dessous de deux des trois seuils suivants pourront être dispensées d’établir un rapport de gestion (C. com. art. L 232-1 renvoyant à L 230-1 ; D 230-1 modifié par décret précité) :
- bilan : 7,5 M€ (contre 6 M€ actuellement) ;
- chiffre d’affaires : 15 M€ (contre 12 M€ actuellement) ;
- nombre de salariés : 50 (pas de changement).
Le relèvement des seuils permettra également d’élargir le nombre d’entreprises pouvant bénéficier de simplifications comptables prévues pour les PME non cotées sur un marché réglementé (présentation et publication des comptes annuels, établissement de comptes consolidés…).
Un nouveau rapport de durabilité à fournir dans le rapport de gestion à la place de la DPEF
18. Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024, les grandes entités d’intérêt public (EIP telles que les sociétés cotées sur un marché réglementé) avec plus de 500 salariés devront insérer dans leur rapport de gestion un nouveau rapport de durabilité en remplacement de la DPEF.
A noter : Pour les autres grandes sociétés qui seront soumises à l’obligation d’établir un rapport de durabilité en 2026 sur l’exercice 2025, une dernière DPEF devra être produite sur l’exercice 2024 (Ord. 2023-1142 du 6-12-2023 art. 33).
Réorganisation des contenus du rapport de gestion, du rapport sur le gouvernement d’entreprise et du rapport financier annuel
19. Outre l’obligation d’établissement du nouveau rapport de durabilité, l’ordonnance de transposition de la CSRD 2023-1142 du 6 décembre 2023 a également réorganisé les informations à fournir dans différents rapports : rapport de gestion, rapport sur le gouvernement d’entreprise, rapport financier annuel. Les modifications introduites sont applicables à compter du 1er janvier 2025.
Modification du contenu du rapport de gestion
20. L’ordonnance de transposition de la CSRD du 6 décembre 2023 introduit plusieurs modifications quant au contenu du rapport de gestion, et notamment :
- – les SAS devront fournir dans leur rapport de gestion les mêmes informations que celles prévues pour les SA (C. com. art. L 232-1 modifié par ord. précitée) ;
- – de nouvelles informations sur les ressources incorporelles essentielles seront à fournir par les grandes sociétés commerciales ainsi que les PME cotées sur un marché réglementé (C. com. art. L 232-1 et L 22-10-35 modifiés par l’ord. précitée) ;
- – les informations relatives aux installations classées « Seveso seuil haut » sont étendues aux SAS, SARL et SNC (C. com. art. L 232-1-1 nouveau) ;
- – les informations relatives aux principales caractéristiques des procédures de contrôle interne et de gestion des risques sont transférées du rapport de gestion vers le rapport sur le gouvernement d’entreprise (C. com. art. L 22-10-35 modifié).
Modification du contenu du rapport sur le gouvernement d’entreprise
21. Outre le transfert des informations relatives aux principales caractéristiques de contrôle interne et de gestion des risques dans le rapport sur le gouvernement d’entreprise, l’ordonnance du 6 décembre 2023 modifie les informations à fournir sur la politique de diversité appliquée aux membres du conseil d’administration (C. com. art. L 22-10-10 modifié).
Modification du contenu du rapport financier annuel (RFA)
22. L’ordonnance du 6 décembre 2023 prévoit de modifier le contenu du RFA qui devra contenir en plus des informations et documents actuellement prévus (C. mon. fin. art. L 451-1-2 modifié) :
- – l’ensemble des informations prévues par le Code de commerce pour le rapport de gestion ;
- – et le rapport sur le gouvernement d’entreprise (il est actuellement inséré de manière facultative dans le RFA).
Rapport relatif à l’impôt sur les bénéfices (CbCR public)
23. Une obligation de déclaration publique des informations relatives à l’impôt sur les bénéfices, pays par pays (CbCR public), est instaurée pour les exercices ouverts à compter du 22 juin 2024 (Dir. UE 2021/2101 du 24-11-2021, JOUE 2021/L 429/1).
Sont notamment concernées les sociétés autonomes dont le chiffre d’affaires net excède 750 M€ à la clôture de deux exercices consécutifs et les entités mères ultimes de groupes consolidés établies en France lorsque le chiffre d’affaires consolidé excède ces mêmes limites (C. com. art. L 232-6, I et III créé par ord. 2023-483 du 21-6-2023 et D 232-8-1 créé par décret 2023-493 du 22-6-2023).
Les informations qui doivent figurer dans le rapport sur l’impôt sur les bénéfices portent notamment sur (C. com. art. L 232-6, II créé par ord. 2023-483 du 21-6-2023 et D 232-8-1 créé par décret 2023-493 du 22-6-2023) :
- la description de la nature des activités ;
- le nombre de salariés ;
- le chiffre d’affaires net ;
- le montant du bénéfice ou des pertes avant impôt sur les bénéfices ;
- le montant de l’impôt sur les bénéfices dû et acquitté, et les bénéfices non distribués.
Elles sont présentées séparément pour chaque État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’EEE.
Le rapport est déposé au greffe du tribunal de commerce dans un délai de douze mois à compter de la clôture de l’exercice et mis à disposition du public pendant au moins cinq années consécutives sur le site internet de la société (C. com. art. R 232-23, I créé par décret 2023-493 du 22-6-2023).
Sources : © Editions Francis Lefebvre 2024 – Retrouvez d’autres d’actualités sur le blog de l’Atwo Conseil !
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