Trésorerie des associations : focus sur les nouveautés

Trésorerie des associations : focus sur les nouveautés

La loi visant à améliorer la trésorerie des associations constitue une réelle avancée pour le secteur. Elle prévoit de nouvelles dispositions pour le paiement plus rapide des subventions ainsi que pour en conserver une partie et résoudre une impasse de trésorerie sans passer par la banque.

Ce sujet a justement récemment fait l’objet d’une attention parti- culière de la part du législateur : la loi du 1er juillet 2021 visant à améliorer la trésorerie des associations comporte plusieurs dispositions prévoyant de nouvelles facilités de trésorerie et de financement pour les associations. Cette loi, qui fait écho à la loi du 1er juillet 1901, aura des impacts importants sur la gestion et la réglementation des associations et autres organismes sans but lucratif (OSBL).

  • Son article 1er dispose qu’il revient désormais à la convention conclue entre l’autorité administrative et l’association de prévoir les conditions dans lesquelles tout ou partie de la subvention qui n’aurait pas été intégrale- ment dépensée pourra être conservé par l’organisme s’il est à but non lucratif. Il est à noter que la notion d’excédent raisonnable, évoquée dans la préparation de cette loi, n’a pas été reprise.

 

  • L’article 2 de la même loi met en place un délai de paiement général de 60 jours des subventions attribuées à une association, à moins qu’il n’en ait été notifié autrement par convention entre la collectivité et l’association. Par ailleurs, certains besoins – par exemple, un investisse- ment financé par une subvention qui ne sera perçue que plusieurs mois après présentation d’une facture acquittée – nécessitent de faire appel à l’emprunt. On peut certes aller voir sa banque, mais il est aussi possible de profiter de la trésorerie confortable d’une autre association. Le prêt entre associations est en effet autorisé grâce à l’article 3 de la loi du 1er juillet 2021, si tant est qu’il soit fait dans le respect des dispositions légales, avec prudence et rigueur. Une manière parmi d’autres de rendre concrète la solidarité interassociative !

 

Excédent raisonnable ou subvention non consommée

Depuis le 3 juillet 2021, une association bénéficiant d’une convention de subvention peut conserver tout ou partie de l’aide attribuée n’ayant pas été intégralement consommée, dans les conditions fixées par cette convention4.

Avant de détailler dans quelle mesure une association peut bénéficier de cette avancée, il convient de rappeler le cadre légal d’une subvention : « Constituent des subventions […] les contributions facultatives de toute nature, valorisées dans l’acte d’attribution, décidées par les autorités administratives et les organismes chargés de la gestion d’un service public industriel et commercial [SPIC], justifiées par un intérêt général et destinées à la réalisation d’une action ou d’un projet d’investissement, à la contribution au développement d’activités ou au financement global de l’activité de l’organisme de droit privé bénéficiaire. Ces actions, projets ou activités sont initiés, définis et mis en œuvre par les organismes de droit privé bénéficiaires.

« Ces contributions ne peuvent constituer la rémunération de prestations individualisées répondant aux besoins des autorités ou organismes qui les accordent. »

Sont considérés comme autorités administratives « les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d’un service public administratif ».

La convention doit définir l’objet, le montant, les modalités de verse- ment et les conditions d’utilisation de l’aide attribuée ainsi que les modalités de son contrôle et de son évaluation. De plus, il revient dorénavant à la convention conclue entre l’autorité administrative et l’association de prévoir les conditions dans lesquelles tout ou partie de la subvention qui n’aurait pas été intégralement dépensée pourra être conservé par l’organisme s’il est à but non lucratif.

Cette possibilité de conserver tout ou partie d’une subvention n’ayant pas été intégralement consommée dès lors que cet excédent est « raisonnable » avait déjà été intégrée par une circulaire du Premier ministre, mais, en pratique, ce sujet était souvent débattu. La loi du 1er juillet 2021 consacre ainsi le sujet de « l’excédent raisonnable », même si, dans la version finale de la loi, n’apparaissent plus les termes de « bénéfice raisonnable » ni d’« excédent raisonnable », contrairement à la proposition de loi initiale. Cet excédent consistait « à conserver une partie des fonds octroyés dans le cadre d’un financement public, pour autant que les objectifs partagés aient été atteints et que l’excédent constitué [relevait] d’une maîtrise des dépenses n’ayant pas nui à l’exécution des missions ». Ces références ont donc finalement été supprimées et la convention d’attribution devra ainsi déterminer la part de la subvention non consommée qui pourrait être conservée par l’OSBL. Pour rappel, il est exigé, au-delà de 23 000 euros de subvention par autorité administrative, une convention entre l’organisme bénéficiaire et l’autorité publique qui émet la subvention. Il est possible d’en déduire que seules les subventions de plus de 23 000 euros seraient concernées.

 

Un délai de paiement à déterminer

La trésorerie des associations peut être affectée par un paiement tardif d’une subvention. Avec la loi du 1er juillet 2021, le délai de paiement par l’autorité administrative ou l’organisme chargé de la gestion d’un SPIC est fixé à 60 jours « à compter de la date de la notification de la décision portant attribution de la subvention, à moins que l’autorité administrative, le cas échéant sous forme de convention, n’ait arrêté d’autres dates de versement ou n’ait subordonné le versement à la survenance d’un évènement déterminé ». L’association devra donc se référer à la convention pour identifier les dates d’encaissement de ses subventions. Celles qui n’exigent pas la passation d’une convention – les subventions inférieures à 23 000 euros – seront encaissables dans un délai maximal de 60 jours à compter de la notification de la subvention.

 

Prêts entre associations et fondations

En principe et conformément à l’article L. 511-5 du code monétaire et financier, et sauf cas particuliers prévus par les textes, une association ne peut pas réaliser d’opérations de crédit à titre habituel. Une telle pratique est sanctionnée pénalement. Cette activité est réservée aux établissements de crédit et aux sociétés de financement.

Toutefois, la loi a prévu quelques dérogations à ce monopole bancaire. En effet, suivant l’article L. 511-6 du code monétaire et financier, certaines associations peuvent consentir des prêts et avances financières, à savoir :

  • les associations habilitées à consentir des prêts pour la création, le développement et la reprise d’entreprises ou pour la réalisation de projets d’insertion par des personnes physiques (agrément obligatoire) ;
  • les associations agréées pour collecter le 1 % logement des employeurs et qui octroient des prêts au logement ;
  • les associations qui consentent des prêts, sur leurs fonds propres, à leurs ressortissants ou adhérents, dans le cadre exclusif de leur mission ou de leur

Par conséquent, une association qui n’entrait pas dans ces catégories ne pouvait consentir une avance financière.

Aussi, la loi du 1er juillet 2021 est venue élargir la dérogation en ajoutant à l’article L. 511-6 un alinéa 1o bis. Désormais, les associations d’un même réseau (fédération, union d’associations, etc.) ayant une activité d’intérêt général13 et les associations et fondations reconnues d’utilité publique peuvent accorder des prêts sur leurs ressources propres.

La loi soumet néanmoins l’octroi de ces prêts à plusieurs conditions. En effet, les prêts consentis par les associations et fondations autorisées sur leurs ressources disponibles à long terme doivent être :

  • à moins de deux ans ;
  • à taux zéro, soit sans intérêt ;
  • octroyés aux membres de l’union mentionnée à l’article 7 du décret du 16 août 1901 ou de la fédération d’associations constituée sous forme d’association dont elles sont

Par conséquent, une association qui n’entre pas dans ces catégories prémentionnées ne peut consentir une avance financière notamment à une autre association. Elle ne pourrait le faire qu’exceptionnellement, de manière isolée et non à titre habituel ou usuel.

Les exceptions légales présentées ci-dessus sont celles qui relèvent du monopole bancaire. L’octroi d’un prêt par une association à une autre association, consenti à titre gratuit, sans intérêt ni contrepartie, reste légal si ce prêt entre bien dans l’objet social de l’association car, dans ce cas, cette opération de crédit ne relève pas du champ du monopole bancaire mais du code civil.

Quoi qu’il en soit et dans tous les cas de prêts autorisés, l’association prêteuse sera tenue d’adapter son objet social. Sa capacité est en effet limitée aux actes utiles à la réalisation de son objet tel que défini par les statuts et aux actes qui leur sont accessoires. La décision de prêter doit être prise afin de permettre l’accomplissement de son objet social, sous peine de nullité16. Elle sera tenue de l’indiquer dans son objet au moment de sa constitution ou de modifier son objet au cours de la vie sociale afin d’insérer une clause en ce sens. À défaut d’une telle mention, les dirigeants seront responsables envers elle des dommages causés par leur faute en cas de violation des dispositions statutaires.

En outre, afin de sécuriser l’opération, il est utile d’indiquer dans les statuts l’organe habilité à prendre ce type de décision (direction, assemblée générale, etc.). À défaut de précision statutaire, une opération de prêt s’apparente souvent à une décision concernant la gestion courante du groupement, relevant donc de la direction, de l’organe collégial investi de ce type de décision (président, conseil d’administration ou bureau). Mais si l’octroi de prêt est significatif, il constitue un acte dépassant l’administration courante, relevant de l’organe souverain de l’association, c’est-à-dire son assemblée générale.

Enfin, pour la formalisation du prêt, il est fortement recommandé aux associations d’établir « une convention de trésorerie » afin d’identifier les contraintes légales à respecter, ci-dessus énumérées. Ainsi, dans cette convention, l’association bénéficiaire pourra justifier de l’intérêt de l’association prêteuse à effectuer cette opération. La convention devra faire état des détails relatifs aux modalités d’octroi et de remboursement du prêt (montant, durée, conditions de remboursement de l’apport de trésorerie, etc.). Cette convention sera un document indispensable en cas de difficulté dans la réalisation de l’opération et pour vérifier la correcte application des accords entre les parties. Par ailleurs, les conditions de ce prêt devront être mentionnées dans l’annexe des comptes annuels.

Article co-écrit par votre expert-comptable Angélique POUPON et son confrère Gérard Lejeune pour JurisAssociations 657

 

Entrepreneur individuel : biens utiles à son activité et mentions sur ses documents commerciaux

Entrepreneur individuel : biens utiles à son activité et mentions sur ses documents commerciaux

Un décret précise les éléments utiles à l’activité qu’un entrepreneur individuel devra inclure dans son patrimoine professionnel et fixe la dénomination qu’il devra apposer sur ses documents et correspondances à usage professionnel.

 

1. La loi 2022-172 du 14 février 2022 a créé un nouveau statut pour l’entrepreneur individuel, en vigueur le 15 mai 2022, comprenant de plein droit la scission de son patrimoine entre biens personnels et biens professionnels (BRDA 6/22 inf. 20).

Le décret 2022-725 du 28 avril 2022 précise les contours du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel, prévoit la dénomination qu’il devra apposer dans ses documents et correspondances à usage professionnel et fixe la date de début d’activité pour les entrepreneurs individuels non tenus à immatriculation sur un registre professionnel.
Soulignons qu’un autre décret d’application de la loi est attendu, qui doit définir les formalités d’opposabilité aux tiers du transfert universel du patrimoine professionnel de l’entrepreneur.

2. Les nouvelles dispositions entrent en vigueur le 15 mai 2022 (Décret 2022-725 art. 5).

 

Biens utiles à l’activité professionnelle

3. Le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel doit inclure les biens, droits, obligations et sûretés dont il est titulaire et qui sont utiles à son ou ses activités professionnelles indépendantes (C. com. art. L 526-22, al. 2 modifié).

Le décret précise que ces biens utiles s’entendent de ceux qui, par nature, par destination ou en fonction de leur objet , servent à cette activité, tels que (C. com. art. R 526-26, I-al. 1 nouveau) :

  • le fonds de commerce , artisanal ou agricole, tous les biens corporels ou incorporels qui le constituent et les droits y afférents, ainsi que le droit de présentation de la clientèle d’un professionnel libéral ;
  • les biens meubles , tels que la marchandise, le matériel, l’outillage, le matériel agricole, de même que les moyens de mobilité pour les activités itinérantes telles que la vente et les prestations à domicile, les activités de transport ou de livraison ;
  • les biens immeubles servant à l’activité, y compris la partie de la résidence principale de l’entrepreneur individuel utilisée pour un usage professionnel, et lorsque ces immeubles sont détenus par une société dont il est actionnaire ou associé et qui a pour activité principale leur mise à disposition à son profit, les actions ou parts d’une telle société ;
  • les biens incorporels , comme les données relatives aux clients, les brevets d’invention, les licences, les marques, les dessins et modèles et, plus généralement, les droits de propriété intellectuelle, le nom commercial et l’enseigne ;
  • les fonds de caisse, toute somme en numéraire conservée sur le lieu d’exercice de l’activité professionnelle, les sommes inscrites aux comptes bancaires dédiés à cette activité (notamment si l’entrepreneur est tenu d’ouvrir un compte séparé : C. com. art. L 123-34 et CSS art. L 613-10), ainsi que les sommes destinées à pourvoir aux dépenses courantes relatives à cette même activité.

4. Dans son avis sur le projet de la loi du 14 février 2022, le Conseil d’Etat avait souligné la nécessité de traiter par décret le sort des biens mixtes , c’est-à-dire les biens utilisés à des fins personnelles ou professionnelles. Seul le cas particulier de la résidence principale à usage mixte est spécifiquement envisagé dans le décret : la « partie » de la résidence principale de l’entrepreneur individuel utilisée pour un usage professionnel intégrera son patrimoine professionnel. Le texte semble donc autoriser que cette partie uniquement soit soumise au gage des « créanciers professionnels ». Cette disposition peut être rapprochée de l’article L 526-1 du Code de commerce, selon lequel la partie de la résidence principale non utilisée pour un usage professionnel est de droit insaisissable, sans qu’un état descriptif de division soit nécessaire.

Le sort des autres biens à usage mixte (véhicule utilisé à titre personnel et professionnel, par exemple) n’est pas expressément abordé. On peut toutefois penser que ceux-ci feront partie du patrimoine professionnel dès lors qu’ils servent, même occasionnellement, à l’activité de l’entrepreneur individuel.

5. Le décret range dans les biens utiles à l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel les parts ou actions d’une société qu’il détient, si la société est propriétaire d’un immeuble servant l’activité de ce dernier. Le montage classique consistant pour l’entrepreneur individuel à créer une SCI afin de préserver l’immeuble des aléas de l’exploitation semble remis en cause.

6. Par ailleurs, si la loi 2022-172 se penchait déjà sur la problématique des biens communs , en prévoyant que les dispositions relatives à la scission du patrimoine de l’entrepreneur individuel s’entendent sans préjudice des pouvoirs reconnus aux époux pour administrer leurs biens communs et en disposer (C. com. art. L 526-26), on pouvait espérer que le décret d’application apporte des précisions complémentaires. Hélas, rien n’est dit à ce sujet.

De même, le sort des biens indivis n’est pas envisagé. Selon un auteur, cette question relève en réalité du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales à propos duquel, selon la Constitution, la loi est compétente pour déterminer les principes fondamentaux (T. Revet, « La désubjectivation du patrimoine » : D. 2022 p. 469).

 

Présomption de bien professionnel et de rémunération de l’activité

7. Lorsque l’entrepreneur individuel est tenu à des obligations comptables , son patrimoine professionnel est présumé comprendre au moins l’ensemble des éléments enregistrés au titre des documents comptables, sous réserve que ceux-ci soient réguliers et sincères et donnent une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise. Sous cette même réserve, les documents comptables sont présumés identifier la rémunération tirée de l’activité professionnelle indépendante, qui est comprise dans le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel (C. com. art. L 526-26, II nouveau).

Rappelons que la charge de la preuve incombe à l’entrepreneur individuel pour toute contestation de mesures d’exécution forcée ou de mesures conservatoires qu’il élève concernant l’inclusion ou non de certains éléments d’actif dans le périmètre du droit de gage du créancier (C. com. art. L 526-22, al. 7 ; BRDA 6/22 inf. 20 n°12).

 

Dénomination à apposer sur les documents professionnels

8. Pour l’exercice de son activité professionnelle, l’entrepreneur individuel doit utiliser une dénomination incorporant son nom ou nom d’usage précédé ou suivi immédiatement des mots « entrepreneur individuel  » ou des initiales « EI ». Cette dénomination doit figurer sur ses documents et correspondances à usage professionnel (C. com. art. R 526-27, al. 1 et 2 nouveaux ; C. com. art. R 134-12 modifié, pour les agents commerciaux).

L’entrepreneur individuel commerçant doit indiquer cette dénomination sur ses factures, notes de commande, tarifs et documents publicitaires, sous peine d’une amende 750 € (C. com. art. R 123-237, 9° modifié).

Contrairement à ce qui existe pour les sociétés commerciales ou les EIRL (C. com. art. L 238-3 et L 526-20), aucune disposition ne prévoit la possibilité de demander en justice qu’il soit enjoint sous astreinte à l’entrepreneur individuel de porter sur tous ses actes et documents les mentions requises.

Par ailleurs, chaque compte bancaire ouvert par l’entrepreneur individuel et dédié à son activité professionnelle doit contenir la dénomination dans son intitulé (C. com. art. R 526-27, al. 3 nouveau).

 

Date de début d’activité en l’absence d’obligation d’immatriculation

9. Lorsque l’entrepreneur individuel n’est pas tenu de s’immatriculer dans un registre professionnel (professions libérales, notamment), la première utilisation de sa dénomination (n°8) vaut date déclarée de début d’activité pour identifier le premier acte exercé en qualité d’entrepreneur individuel (C. com. art. R 526-27, al. 4 nouveau).

Rappelons que les « créanciers professionnels » d’un entrepreneur individuel non tenu à immatriculation ne pourront agir sur le patrimoine professionnel que pour les créances nées à compter de cette date déclarée de début d’activité (C. com. art. L 526-23 ; BRDA 6/22 inf. 20 n°10).