Présentation des mesures fiscales de la loi de finances rectificative pour 2022 et de la loi portant mesures de protection du pouvoir d’achat votées cet été.
Mise en place d’un dispositif anti-abus pour l’amortissement des fonds commerciaux
Les entreprises sont autorisées, de manière temporaire, à déduire de leur résultat imposable l’amortissement constaté en comptabilité au titre des fonds commerciaux acquis entre le 1-1-2022 et le 31-12-2025 (Loi 2021-1900 du 30-12-2021 art. 23).
Une clause anti-abus pour les fonds acquis auprès d’une entreprise liée
La loi de finances rectificative pour 2022 exclut de la déduction temporaire les fonds acquis auprès d’une entreprise liée au sens du 12 de l’article 39 du CGI ou auprès d’une entreprise, y compris une entreprise individuelle, placée sous le contrôle de la même personne physique que l’entreprise qui acquiert le fonds.
À noter . Cette mesure a été adoptée pour faire obstacle à des comportements d’optimisation de la part notamment d’une personne physique qui apporterait son entreprise individuelle ou une branche complète d’activité à une société qu’elle contrôle ou qu’elle est amenée à contrôler à la suite de l’apport.
Une application de la déduction temporaire dans le cadre d’une fusion
La loi de finances rectificative pour 2022 précise les modalités de réintégration dans les bénéfices imposables des plus-values dégagées lors de l’apport de fonds commerciaux amortissables à l’occasion d’une fusion.
Le régime spécial des fusions (CGI art. 210 A) prévoit un traitement différent de la plus-value d’apport selon le caractère, amortissable ou non, de l’actif reçu dans le cadre de la fusion. Un fonds commercial qui donne lieu à un amortissement déduit du résultat imposable doit être regardé, pour l’application du régime spécial des fusions, comme un actif amortissable.
La loi confirme que la société absorbante ou bénéficiaire des apports a le choix de déduire de son résultat imposable l’amortissement comptabilisé à raison du fonds commercial ou de renoncer à cette déduction.
Lorsque la société absorbante choisit d’amortir le fonds qu’elle a reçu entre le 1-1-2022 et le 31-12-2025, elle est alors tenue d’appliquer le régime d’étalement de l’imposition de la plus-value dégagée lors de l’apport de ce fonds sur une période de 5 ans (CGI art. 210 A, 3-d). Les modalités d’application du régime prévues par l’administration (BOI-IS-FUS-10-20-40-10 no 1 du 8-6-2022) en cas d’apport d’un fonds commercial sont donc légalisées.
Aucun formalisme particulier ne semble être prévu concernant les modalités d’exercice de ce choix. Le seul fait que l’entreprise ne procède pas à la réintégration extra-comptable des amortissements comptabilisés à raison du fonds commercial suffirait alors à concrétiser sa décision d’appliquer le régime temporaire.
Lorsque le fonds commercial n’a en revanche pas donné lieu à un amortissement, les actifs reçus doivent être traités comme des immobilisations non amortissables (CGI art. 210 A, 3-c).
A noter : Cette clarification permet d’éviter des situations abusives dans lesquelles une entreprise pourrait déduire des amortissements sur un actif reçu dans le cadre d’une fusion alors que la plus-value d’apport n’aurait pas été intégrée à son résultat imposable.
Entrée en vigueur
Ces dispositions s’appliquent aux acquisitions de fonds commerciaux intervenues à compter du 18-7-2022 et jusqu’au 31-12-2025. Loi 2022-1157 du 16-8-2022 art. 7
Pacte Dutreil : exercice de l’activité jusqu’au terme des engagements
Les donations et les transmissions de parts ou actions de sociétés ayant fait l’objet d’un pacte « Dutreil » sont, sous certaines conditions, exonérées de droits de mutation à titre gratuit à concurrence de 75 % de leur valeur (CGI art. 787 B).
Parmi ces conditions, seules les parts ou les actions d’une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale peuvent bénéficier de cette exonération partielle. Par ailleurs, trois critères doivent être respectés :
- un engagement collectif de conservation de 2 ans minimum ;
- un engagement individuel de conservation de 4 ans à compter de l’expiration de l’engagement collectif ;
- l’exercice d’une fonction de direction par l’un des signataires durant la phase d’engagement collectif et pendant 3 ans à compter de la transmission.
Une mesure anti-abus
La loi de finances rectificative pour 2022 précise que la condition d’exercice par la société d’une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale doit être satisfaite à compter de la conclusion de l’engagement de conservation collectif et jusqu’au terme de la conclusion de l’engagement de conservation individuel, soit pendant 6 ans.
En cas d’engagement collectif réputé acquis, la condition d’exercice d’une activité éligible doit être satisfaite depuis au moins 2 ans à la date de la transmission et jusqu’au terme de l’engagement individuel de conservation de 4 ans.
En cas d’engagement collectif « post-mortem », la condition doit être satisfaite à compter de la transmission des titres et jusqu’au terme de l’engagement individuel de conservation.
Cette mesure, qui légalise la doctrine administrative (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 no 25, 21-12-2021), a pour effet de faire obstacle à la décision de la Cour de cassation du 25 mai 2022 qui a jugé que la perte par une société holding de sa fonction d’animatrice de groupe postérieurement à la transmission ne remet pas en cause l’exonération partielle, la loi n’imposant pas qu’une telle société conserve son rôle d’animation jusqu’au terme des engagements de conservation (Cass. com. 25-5-2022 no 19-25.513).
Remarque. Cette clarification est conforme à l’esprit du pacte « Dutreil », dont l’objectif principal est d’encourager la transmission des entreprises et le maintien de leurs activités opérationnelles.
Une entrée en vigueur partiellement rétroactive
L’exigence de la poursuite d’une activité éligible jusqu’au terme de l’engagement individuel s’applique aux transmissions intervenant à compter du 18-7-2022.
Elle s’applique également rétroactivement aux transmissions intervenues avant cette date et répondant aux conditions cumulatives suivantes :
- l’un des engagements de conservation (collectif, unilatéral ou individuel) est en cours ;
- la société exploitante n’a pas cessé d’exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole.
À noter. Pour les transmissions intervenues avant le 18-7-2022, la décision de la Cour de cassation fait obstacle à ce que l’exonération partielle soit remise en cause si la société a cessé d’exercer ses activités opérationnelles. Dans ce cas, et au regard des principes de sécurité juridique, l’interprétation de la Cour de cassation prévaut : l’administration ne peut alors remettre en cause l’exonération partielle si toutes les autres conditions définies dans le cadre d’un pacte « Dutreil » ont été respectées. Loi 2022-1157 du 16-8-2022 art. 8
Légalisation des obligations de facturation électronique et de transmission des données
L’article 26 de la loi de finances rectificative pour 2022 légalise le contenu de l’ordonnance 2021-1190 du 15-9-2021 relative à la généralisation de la facturation électronique dans les transactions domestiques entre assujettis à la TVA. La réforme, d’ores et déjà connue des entreprises, n’avait pas pu être ratifiée lors de la loi de finances pour 2022 compte tenu de la censure du Conseil constitutionnel (Cons. const. 28-12-2021 no 2021-833 DC).
La réforme comporte deux axes principaux :
- le premier axe correspond à l’obligation d’émission et de réception de factures sous format électronique (« e-invoicing »). L’objectif est de dématérialiser les factures pour qu’elles puissent comporter des données structurées , c’est-à-dire des données qui constituent un socle de mentions et qui suivent une norme convenue entre les parties pour satisfaire aux exigences de l’EDI (l’échange de données informatisé) ;
- le second axe correspond à l’obligation de transmission des informations et des données de paiement (« e-reporting). Il s’agit pour une entreprise de transmettre à l’administration fiscale toutes les informations qui ne s’intègrent pas dans le champ de la facturation.
Les assujettis à la TVA en France devront, à terme, émettre, transmettre et recevoir les factures sous forme électronique dans leurs transactions avec d’autres assujettis et transmettre à l’administration fiscale les données de facturation, ainsi que les données relatives aux opérations non domestiques ou avec une personne non assujettie. La confidentialité de ces données sera protégée par l’administration.
Pour s’acquitter de ces obligations, les entreprises pourront librement choisir de recourir soit à une plateforme de dématérialisation dite « partenaire » de l’administration, soit directement au portail public de facturation Chorus Pro ( https://portail.chorus-pro.gouv.fr/aife_csm/ ? id = aife_csm_category&category_id = 860d0fdf1bfee41088bb6280604bcbe2 .
La loi de finances rectificative pour 2022 confirme le calendrier de la réforme, annoncé par l’administration dans sa « Foire aux questions » consacrée à la facturation électronique (disponible sur le site impots.gouv.fr).
- Le déploiement de l’obligation de facturation électronique sera mis en place de manière progressive, en tenant compte de la taille des entreprises :
- au 1-7-2024 pour les grandes entreprises ;
- au 1-1-2025 pour les établissements de taille intermédiaire (ETI) : effectif inférieur à 5000 personnes dont le CA annuel n’excède pas 1 500 M€ ou dont le total de bilan n’excède pas 2 000 M€ ;
- et au 1-1-2026 pour les TPE-PME : effectif inférieur à 250 personnes dont le CA annuel n’excède pas 50 M€ ou dont le total de bilan n’excède pas 43 M€.
La loi apporte une nouvelle précision par rapport à l’ordonnance concernant la date à laquelle l’appartenance à une catégorie d’entreprises (grandes entreprises, ETI, PME et petites entreprises) s’apprécie. Ainsi, celle-ci est arrêtée au niveau de chaque personne juridique au 30-6-2023, sur la base du dernier exercice clos avant cette date ou, en l’absence d’un tel exercice, sur celle du premier exercice clos à compter de cette date.
Rappelons enfin que l’obligation de réceptionner des factures sous format électronique sera obligatoire au 1-7-2024 pour toutes les entreprises et quelle que soit leur taille.
À noter. Comme l’indique le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique dans un communiqué du 17-8-2022, les travaux de construction du portail public de facturation sont engagés pour permettre le déploiement d’une expérimentation dès le 3-1-2024, soit avant l’entrée en vigueur du dispositif. Loi 2022-1157 du 16-8-2022 art. 26
Relèvement de l’exonération applicable aux heures supplémentaires
La rémunération des heures supplémentaires, des heures complémentaires des salariés à temps partiel et, pour les salariés en forfait jours, des jours travaillés au-delà de 218 jours par an en application du dispositif de renonciation à des jours de repos est, sous certaines conditions et dans certaines limites de majoration de salaire, exonérée d’impôt sur le revenu (CGI art. 81 quater). Cette exonération était jusqu’à présent limitée à un montant de 5 000 € par an.
Pour les rémunérations versées à raison des heures supplémentaires et complémentaires ou des jours excédentaires travaillés à compter du 1-1-2022, la limite d’exonération d’impôt sur le revenu s’établit à 7 500 € par an. Cette mesure est pérenne.
À noter . Sous réserve de confirmation, le montant de 7 500 € devrait s’entendre en net imposable. Pour une application en paie, le calcul devrait donc s’effectuer sur un plafond exprimé en brut de 8 037 € pour 2022. Loi 2022-1157 du 16-8-2022 art. 4
Frais de covoiturage
Les frais de déplacement entre le domicile et le lieu de travail engagés par un passager au titre du partage des frais dans le cadre d’un covoiturage sont admis, sur justificatifs, au titre des frais professionnels réels. Il s’agit des frais de dépréciation du véhicule, de réparation et d’entretien, des dépenses de pneumatiques et de consommation de carburant ainsi que des primes d’assurances, de même que des frais de péage et, le cas échéant, des frais de stationnement (C. transp. art. R 3132-1).
À défaut de précision, cette mesure entre en vigueur le lendemain de la publication au JO, soit le 18-8-2022. En pratique, cette disposition s’appliquera, pour la première fois, lors de la déclaration des revenus de 2022 effectuée au printemps 2023. Loi 2022-1157 du 16-8-2022 art. 20
Frais de transport des bénévoles
Les bénévoles qui supportent des frais dans l’exercice de leur activité associative peuvent bénéficier de la réduction d’impôt sur le revenu de 66 % (CGI art. 200) s’ils renoncent expressément au remboursement de ces frais. Pour calculer leurs frais de transport, l’administration admet que les frais de véhicule automobile, vélomoteur, scooter ou moto dont le contribuable est propriétaire soient évalués forfaitairement en fonction d’un barème kilométrique spécifique aux bénévoles des associations, sous réserve de la justification de la réalité, du nombre et de l’importance des déplacements réalisés pour les besoins de l’association (BOI-IR-RICI-250-20 no 220).
La loi de finances rectificative pour 2022 aligne le barème applicable aux bénévoles sur celui des déplacements professionnels. Ainsi, les bénévoles qui renoncent expressément à se faire rembourser leurs frais de véhicule peuvent évaluer forfaitairement leurs frais de carburant à l’aide du barème kilométrique prévu pour les salariés. Cette mesure s’applique pour l’imposition des revenus perçus à compter du 1-1-2022. Loi 2022-1157 du 16-8-2022 art. 21
Suppression de la contribution à l’audiovisuel public dès 2022
La contribution à l’audiovisuel public est due par toutes les personnes physiques ou morales qui détiennent un appareil récepteur de télévision au 1er janvier de l’année d’imposition (CGI art. 1605, II-1° et 2°). Le montant de la contribution à l’audiovisuel public est de 138 € pour la France métropolitaine et de 88 € pour les départements d’outre-mer (CGI art. 1605, III).
La contribution à l’audiovisuel public due par les particuliers et les professionnels est supprimée à compter de 2022.
Les professionnels qui étaient redevables de la contribution au titre de l’année 2022 se sont en principe déjà acquittés de celle-ci lors de la souscription de leur déclaration de TVA au cours des mois d’avril ou de mai 2022. Un remboursement automatique des sommes acquittées à ce titre sera donc effectué sur le compte bancaire de l’entreprise au plus tard en octobre 2022. En cas de paiement partiel de la contribution, seul le montant effectivement acquitté sera remboursé. Loi 2022-1157 du 16-8-2022 art. 6
© Editions Francis Lefebvre 2022