L’hybridation des financements

Actualité Associations et fondations : Publication d’un guide pour gérer les conflits d’intérêts
 

Au service de l’approche stratégique des associations, l’hybridation des ressources est aujourd’hui primordiale pour celles-ci dans la mesure où elles doivent faire face aux évolutions de leur environnement tout en assurant leur équilibre financier.

La question du financement des associations est un thème récurrent qui a déjà fait couler beaucoup d’encre. Comment assurer la pérennité d’une entité dont l’objectif premier n’est ni de faire des excédents, ni de constituer des fonds propres, qui est de plus en plus soumise à concurrence, supportant des délais de paiement importants et devant se professionnaliser pour réaliser au mieux ses missions ? Si les activités exercées et les charges de fonctionnement doivent être couvertes, l’association doit aussi disposer d’une tréso­rerie suffisante pour constituer un fonds de roulement permettant de garantir sa fiabilité financière.

Évolution des financements

Face à cette problématique, l’environnement financier et juridique des associations évolue. Il est en pleine mutation avec, ces dernières années, une forte diversification des bailleurs, l’arrivée de nouveaux types de financements participatifs et solidaires et de nouveaux textes législatifs, votés ou en discussion, favorisant la finance solidaire et la constitution de fonds propres associatifs.

Il y a quelques années, les financements publics (subventions, conventions, prix de journée) et privés (participation des usagers, cotisations, ventes) avaient des proportions presque équiva­lentes dans les budgets des asso­ciations – les dons et le mécénat constituant seulement 5 % de ces budgets. Aujourd’hui, le volume des fonds publics a fortement diminué.

Tout a commencé par l’évolution du mode de contractualisation des financements publics. Majoritairement financées par des subventions de fonctionnement, les associations ont vu leurs activités de plus en plus soumises aux règles des prestations (commandes publiques) ou des marchés publics (appels d’offres ou appels à projets, concurrence) avec l ‘obligation de proposer des activités à financer, de justifier les dépenses aux coûts réels directs et de rechercher des cofinancements privés pour compléter les budgets partiellement financés. Les subventions globales de fonctionnement sont aujourd’hui devenues l’exception, phénomène qui s’est accentué avec la forte diminution des aides à l’emploi.

Parallèlement, le contexte fiscal et économique génère en 2018 une baisse des dons de plus de 4 %. Les contributions volontaires, notamment le nombre de bénévoles associatifs, restent insuffisantes. Dans ce contexte, les structures changent, se regroupent et s’intéressent de plus en plus à des types de financements dits « innovants ». Ces réformes sont favorisées par l’évolution actuelle du cadre législatif concernant les associations et la finance solidaire. Une hybridation des financements – classiques et innovants – se développe dans le milieu associatif afin de permettre aux organisations de disposer de ressources long terme, représentant pour certaines des quasi-fonds propres et pour d’autres des financements spécifiques de leurs actions.

Quels modes de financements ?

Financements structurels

Les fonds propres sont indispensables et permettent de garantir une certaine assise et sécurité financière pour anticiper les imprévus, les besoins de trésorerie ou encore le financement de nouveaux projets. Ils sont également des leviers pour obtenir d’autres types de financements.

Ainsi, pour garantir la pérennité des structures, la constitution de fonds propres, dans une certaine limite, est à encourager. Des fonds long terme peuvent être constitués sous différentes formes plus ou moins facilement mobilisables. Les plus répandues sont les apports avec ou sans droit de reprise, les prêts ou emprunts classiques auprès de tiers ou d’établissements financiers.

Pour les associations de plus de deux ans et immatriculées au registre du commerce et des sociétés (RCS), le dispositif des titres associatifs, créé en 1985, est devenu plus attractif grâce à la loi relative à l’économie sociale et solidaire (ESS). Le remboursement des obligations, après une période minimale de sept ans, peut maintenant se faire à l’initiative de l’association ou encore lorsqu’elle a pu constituer des excédents dépassant le montant initial de l’émission, après neutralisation des déficits sur la même période.

En parallèle de ces outils se développent également le prêt solidaire et le financement participatif. Le premier, outre le renforcement des fonds propres, permet de ne pas grever la capacité d’endettement.

De plus, il peut servir de garantie pour l’obtention de financements bancaires complémentaires. Quant au financement participatif, il permet de recueillir des fonds pour des projets spécifiques via des plateformes de financement participatif en touchant ainsi un public plus large. Il peut prendre diverses formes telles que prêts rémunérés, participations ou dons.

La finance solidaire, essentiellement utilisée par des structures titulaires de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » (ESUS), vient compléter cet ensemble de dispositifs. L’investissement solidaire est effectué par des sociétés de gestion d’organismes de placement collectif (OPC) solidaires, qui collectent de l’épargne solidaire via des fonds communs de placement (FCP) solidaires, notamment dans le cadre des dispositifs d’épargne salariale. Les outils d’intervention peuvent être des apports minoritaires en capital, des titres associatifs et participatifs ou des billets à ordre (outil de prêt remboursable in fine, généralement de deux à cinq ans).

Financements opérationnels

En plus des ressources internes que sont les cotisations et les participations des adhérents aux activités, les associations disposent d’un panel varié de financements possibles pour réaliser leurs projets ou en développer de nouveaux.

Compte tenu de l’évolution de l’environnement du secteur associatif, et notamment des baisses des subventions publiques, les prestations marchandes se sont développées, permettant aux entités de disposer de nouvelles ressources complémentaires pour réaliser leur projet associatif. Dans ce cadre, elles doivent porter une attention particulière au contexte fiscal afin d’anticiper les évolutions structurelles nécessaires en cas de dépassement de certains seuils.

Elles sollicitent également de plus en plus les particuliers avec des appels publics à la générosité pour obtenir des dons, legs ou donations. Pour cela, une déclaration préalable est à déposer lorsque le montant des dons collectés au cours de l’un des deux exercices précédents ou de l’exercice en cours excède un seuil fixé par décret à 153 000 euros à compter des exercices ouverts au 1 juin 2019.

Les entreprises ne sont pas en reste et apportent leur soutien au travers du mécénat d’entreprise (aide financière, matérielle ou en compétences), ouvrant droit à réductions fiscales. Les textes fiscaux incitent et encadrent ces avantages. De nouvelles obligations de déclaration sont prévues à compter du 30 mai 2019 pour les dons supérieurs à 10 000 euros. La loi de finances pour 2019 favorise les dons des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME) en instaurant un double plafond de calcul de la réduction fiscale: 10 000 euros ou 5 pour mille du chiffre d’affaires si ce dernier est plus élevé. L’évolution de la fiscalité relative aux dons et au mécénat a une influence importante sur la générosité du public, paramètre que l’association ne peut pas anticiper ni maîtriser.

L’ensemble des donateurs, particuliers et entreprises, concourent également aux actions de l’association au travers des contributions volontaires en nature (de travail, de biens ou de services). Il existe d’autres types de produits moins répandus qui émergent ces dernières années que sont le « produit-partage » et le « produit de partage » : des appellations proches à ne pas confondre ! Le premier correspond à un produit ou un service réalisé par une entreprise à destination d’un particulier ou d’une autre entreprise, sur lequel, sans majoration, un reversement fixé en général entre 5 % et 20 % du prix de vente toute taxe comprise (TTC) est fait au profit d’une association. Le second provient des placements de l’épargne solidaire dont le but est de permettre à l’épargnant de partager sa performance ou ses revenus avec une association reconnue d’utilité publique via un don pour financer des projets à plus-values sociales, culturelles ou environnementales.

Points d’attention et problématiques liées à la recherche de financements : La recherche de financements doit toujours être au service du projet stratégique de l’entité. C ‘est pourquoi il est important de bien connaître les objectifs poursuivis afin de mettre en œuvre un plan d’action cohérent.

Analyse financière et projet stratégique

Avant de mobiliser de nouvelles ressources et d’utiliser tel ou tel outil de levée de fonds, une approche globale doit être menée au niveau de la gouvernance associative. L’innovation financière au service de l’innovation sociale ou de la poursuite du projet doit être le fruit d’une volonté stratégique du conseil d’administration.

Une fois le cadre global posé, l’association doit faire le point sur sa situation financière réelle afin de trouver une solution adaptée : financement d’investissements (utilisation dans la durée), des activités, des charges courantes ou bien pour le fonds de roulement. Cette démarche préalable permet de mobiliser le bon financement et d’éviter des conséquences lourdes comme la perte de temps, de crédibilité auprès des financeurs ou un financement non obtenu à temps.

Pour accéder à certains financements, dont l’obtention est parfois complexe, il est indispensable de mobiliser les compétences adéquates et, éventuellement, de repenser l’organisation interne. Ainsi, il convient de vérifier la conformité des statuts avec les perspectives souhaitées, d’avoir une réflexion globale sur le modèle économique existant et à venir et de mettre en œuvre les outils de suivi opérationnels et financiers nécessaires.

En pratique, mettre en place cette méthodologie n’est pas toujours chose aisée. Pour un besoin bien identifié, les solutions sont multiples et, très souvent, elles vont se compléter : il s’agit alors d’hybridation de financements. Par exemple, pour financer un investissement, une association peut être amenée à solliciter une subvention d’investissement, un prêt classique et/ou participatif ou encore des dons. Elle peut se faire accompagner dans sa démarche par des appuis extérieurs, tels que l’expert-comptable ou le dispositif local d’accompagnement (DLA) , et obtenir un label ou même une certification, gages de confiance pour les financeurs.

Risques ou opportunités de la fiscalité

Le développement des ressources marchandes peut, dans certains cas, entraîner la fiscalisation globale ou partielle de l’association. Cela ne doit pas être un frein à la recherche de financements : la fiscalisation peut aussi bien être une difficulté qu’une vraie opportunité. Ainsi, une analyse doit être menée en termes d’impact sur les grandes masses du compte de résultat de l’association, mais aussi en termes d’impact financier.

En effet, si les produits lucratifs peuvent être un levier, la fiscalisation globale de l’association entraîne l’impossibilité d’être reconnue d’intérêt général et donc d’émettre des reçus fiscaux. Sans avantage fiscal, la collecte de dons devient moins aisée.

Par ailleurs, il ne faut pas négliger l’impact financier de l’assujettissement aux différents impôts – tels qu’impôt sur les sociétés (IS), cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), cotisation foncière des entreprises (CFE), taxe sur la valeur ajoutée (TVA), taxe d’apprentissage, mais aussi le gain possible (non-assujettissement à la taxe sur les salaires et récupération de la TVA sur achats).

Vers une hybridation plus large

Au vu de l’élargissement des sources de financement des associations, de type financement participatif et appel à la finance solidaire, il peut être opportun d’effectuer la démarche d’obtention de l’agrément ESUS avant de mobiliser certaines ressources. Cet agrément permet de bénéficier d’aides et de financements spécifiques – par exemple, accession à l’épargne salariale solidaire et réductions fiscales. S’agissant de l’obtention de l’agrément ESUS, la loi dite « Pacte » précise les quatre catégories d’activités entrant dans la notion d’utilité sociale.

Pour aller plus loin, après l’hybridation des financements, l’association peut réaliser des hybridations juridiques, soit par regroupement avec d’autres entités (fusion, mutualisation, groupement), soit par la création de nouvelles structures ad hoc (filiales, fonds de dotation). Depuis quelques années, la tendance est au rapprochement des associations et le législateur a encadré les opérations de fusion dans la loi ESS.

Le fonds de dotation est également un bon outil permettant d’élever des financements privés (mécénat) pour la réalisation de missions d’intérêt général ou de projets qui sont soit non financés par les fond s publics, soit en cofinancement.

Enfin, l’évolution de la forme associative vers une forme de société coopérative- participative (SCOP) et d’intérêt collectif (SCIC) – est également possible. Ces formes de société permettent de répondre aux critères de l’ESS (gouvernance démocratique, répartition des résultats prioritairement affectée à la pérennité des emplois et du projet d’entreprise), tout en ouvrant le champ à tous les secteurs d’activité.

JurisAssociations – N°608 / Publié le 15 novembre 2019 / Ecrit par Angélique POUPON et Nathalie Elio