Lorsqu’un bail commercial a été renouvelé en raison du silence du bailleur, alors qu’une instance en résiliation était en cours, les manquements du locataire réitérés après le renouvellement peuvent justifier sa résiliation.
Le bailleur commercial qui n’a pas répondu dans le délai de trois mois à la demande de renouvellement du bail formée par le locataire est réputé accepter le principe du renouvellement (C. com. art. L 145-10).
Un propriétaire de locaux commerciaux, loués à usage de restaurant , agit contre son locataire pour voir constater l’acquisition de la clause résolutoire, lui reprochant divers manquements, notamment liés au non-respect des règles de la copropriété où se situait le restaurant.
Trois années plus tard, alors que l’instance en résiliation est en cours , le locataire notifie au bailleur une demande en renouvellement du bail . Le bailleur n’ayant pas répondu, le locataire soutient que le bail a été irrévocablement renouvelé, ce qui fait selon lui obstacle à la poursuite d’une instance en résiliation engagée auparavant : seuls de nouveaux manquements, postérieurs au renouvellement du bail, pourraient en justifier la résiliation, la poursuite d’un manquement antérieur au renouvellement du bail et connu par le bailleur avant le renouvellement ne pouvant en revanche pas être invoquée.
L’argument du locataire est rejeté par la Cour de cassation. Si seuls des manquements postérieurs au renouvellement du bail peuvent justifier la résiliation du nouveau bail , de tels manquements peuvent être caractérisés lorsque les agissements illicites ont été réitérés après le renouvellement du bail . En l’espèce, tel était le cas : le locataire avait continué à occuper irrégulièrement les couloirs avec des objets lui appartenant, alors qu’à plusieurs reprises il lui en avait été fait défense ; des odeurs dont l’origine ne pouvait être attribuée à un autre commerce avaient été constatées dans la cage de l’escalier principal et dans la cour ; un des salariés du restaurant empruntait dans le sens de la descente l’escalier principal, alors que ce dernier ne pouvait servir que comme escalier de secours, ainsi que le précisait le bail.
à noter : En cas de renouvellement du bail , les infractions antérieures sont purgées par l’effet du renouvellement, qui implique la renonciation du bailleur à s’en prévaloir. Le bailleur ne peut plus invoquer, notamment dans le cadre d’une action en résiliation judiciaire, les manquements du locataire antérieurs à la date de renouvellement (Cass. 3e civ. 2-6-2004 n° 03-11.792 F-D ; Cass. 3e civ. 8-7-2008 n° 07-10.125 F-D), à moins que les infractions n’aient été découvertes par lui que postérieurement au renouvellement ou se soient poursuivies après celui-ci (Cass. 3e civ. 22-1-2008 n° 07-10.175 F-D). La purge des infractions antérieures s’applique y compris lorsque l’acceptation du principe du renouvellement par le bailleur n’est pas expresse mais résulte de son silence pendant trois mois, et quand une instance judiciaire visant les infractions reprochées est en cours. Cette règle n’interdit cependant pas au bailleur de se prévaloir des manquements qui se sont poursuivis au cours du nouveau bail ou que le locataire a réitérés au cours de celui-ci. C’est ce qu’illustre l’arrêt commenté.